Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/129

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des volées de sourires aux garçons qui les agacent en passant.

Des couples, tendrement enlacés, pénètrent dans le cœur du bois. Au-dessus de leurs têtes, les branches se rejoignent et font une voûte légère, d’où s’égoutte le soleil ; la mousse et la fougère tapissent les troncs d’arbres. Un écureuil saute de branche en branche, pendant que les oiseaux chantent plus doucement. Cette tendresse des nids en amour s’ajoute à l’immense allégresse de la terre, bourdonnant dans la splendeur d’un jour d’été, et met au cœur un immense bonheur de vivre ! Il y a des chemins creux, des pointes de rochers escarpés ; des taillis déserts, où l’on peut causer à l’aise, sans autre danger que d’être entendus par les fauvettes. Mais un frissonnant silence, l’ombre vivante qui tombe des arbres séculaires, glace les paroles sur les lèvres, et notre esprit s’égare dans une douce rêverie !

J’allais sortir du bois, quand un bruit de feuilles, comme de la soie qu’on froisse, me fit tressaillir. Je vis s’avancer une mignonne fillette blonde, haute comme une botte, qui se promenait gravement, balançant au-dessus de sa tête l’ombrelle de sa mère, avec des airs de petite femme. Elle portait une délicieuse toilette de taffetas rose, couverte de dentelle, un grand chapeau à plumes, et de petits gants en peau correctement boutonnés. Tout à coup, la terre trembla ; un garçonnet fit irruption dans le taillis, brisant les branches, poussant des cris féroces. Il traînait une charrette chargée de cailloux.

— Viens-tu faire un tour ? dit-il à la jeune demoiselle au parasol.

— Salir ma belle robe ! fit-elle, avec un air de reine outragée.

— Cherchons des fraises, veux-tu ?