Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/151

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Quelle éducation vaut celle qu’une mère donne à son enfant ? Rappelez vos souvenirs que reste-t-il en votre mémoire, des belles diligences étoilées d’un cachet d’or que vous faisiez au couvent ? Ce qui reste au ciel après le passage d’un météore. Mais dites, avez-vous oublié les grandes images coloriées que vous montrait votre mère en vous disant les merveilleuses histoires de Moïse, de David, de Samuel, de Samson et de Dalilah, les contes de l’oiseau bleu, de la Belle au bois dormant, du petit Poucet, etc… Ne vous souviendriez-vous plus de la naïve prière qu’elle vous faisait dire en joignant vos menottes roses : « Mon p’tit Zésus, ze vous aime de tout mon cœur. Protésez papa, maman, et que ze sois un bon petit garçon… »

Le vieillard verse des pleurs en répétant un à un ces mots naïfs qui lui rappellent la mère partie depuis si longtemps pour la lointaine patrie. La chère vision n’est plus dans son esprit qu’un vague brouillard, s’effaçant de jour en jour. Mais la prière enfantine reste nette et précise, en sa mémoire, dernier souffle de vie s’envolant de sa lèvre pétrifiée !

Hélas ! certaines femmes n’ont que trop de temps à donner à la lecture des romans, aux réceptions, aux promenades de trois à cinq heures. Reines du foyer, ne désertez pas votre cour, laissez les chers amours blonds et roses s’abattre sur votre berceuse comme un vol de colombes, quand sur leur col blanc ils mendient des pluies de baisers…

Je vois les flâneurs habituels des rues Sainte-Catherine et Saint-Denis qui me font de gros yeux : l’esthétique en souffrirait, moins de robes claires, moins de chapeaux en arc-en-ciel fleurissant la grande route, moins de frou-frou de jupons de faille sur les trottoirs d’asphalte… Mon Dieu ! il faut toujours des ombres au tableau !