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« Carrosse, Mamzelle. — Par icite, Mamzelle — Non à moi. »

Quarante bras s’arrachent votre valise. Vous êtes le prix de la victoire ; le plus vif écarte les autres et vous jette dans sa voiture. C’est un enlèvement. « Hue ! cocotte ! » — Et vous filez ! Frappez sur les vitres, criez. Il fera mine de ne rien entendre. Malédiction, trois fois, si vous ne l’avez pris à l’heure, le misérable voudra l’emporter sur le tramway ! Il sautera les traverses dans un vent de vitesse endiablée, s’accrochera aux bornes fontaines, écrasera cinq ou six marmots et fera pester les vieux promeneurs paisibles. Êtes-vous pressé, il n’avancera guère plus que l’ombre du midi. Si vous vous faites conduire à la gare, il trouvera l’occasion de se fourrer dans quelque bagarre, d’accrocher une des roues de sa guimbarde à quelque tombereau, de perdre un de vos cartons et de vous faire manquer le train. Si vous lui désignez un numéro, il se trompera d’un chiffre, sinon de deux. Et, au terme de votre course, après avoir chicané une heure durant, vous devrez lui donner vingt sous de plus que permet son tarif. À moins que vous ne préfériez retarder d’une quinzaine votre promenade à la campagne, pour le plaisir d’aller vous prélasser sur une banquette de la cour du recorder.

Mais, il ne faut pas compter avec ces petits désagréments, ces pauvres cochers ont les nerfs si étrillés depuis que le tramway leur fait une concurrence déloyale. Aussi, de quel souverain mépris n’enveloppent-ils pas les banals wagons qui promènent aux quatre vents la joie vulgaire du troupeau humain ! Leur voiture, à la bonne heure, avec ses sièges capitonnés, ses portières à glace et son intimité de boudoir, l’élégante victoria qui roule comme sur du velours, voilà des nids d’amoureux !

Ces beaux carrosses reluisants, aux roues bien astiquées, que d’histoire ils pourraient raconter ! Tour à tour ils