Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/199

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lampe du sanctuaire. Les vagissements de l’innocent troublent la quiétude du Dieu eucharistique qui se souvient de la pauvreté de la crèche, de la paille humide, des gros glaçons pailletant de diamants l’humble abri de la sainte famille.

Et toi, enfant-roi, tu avais, pour réchauffer tes membres bleuis, l’amour de la vierge-mère te pressant dans ses bras, te couvrant de baisers, t’enveloppant de chaudes caresses… ce que tu ne connaîtras pas, misérable poupon ! Qui va te recueillir ?… Qui va laisser tomber dans ta bouche, tendue comme une fleur avide de rosée, la manne des petits, que le ciel fait passer par le sein des mères…

Quand, partout on accueille avec des transports de joie l’arrivée d’un de ces hôtes des cieux, lorsque de joyeuses volées jettent aux quatre vents la bonne nouvelle, toi, paria d’un jour, on te repousse, on te renie, on t’arrache de la souche maternelle comme un parasite… Eh ! sont-ils plus beaux, plus roses que toi, ceux qui dorment dans de mignonnes prisons de soie et de dentelle, dont on soulève en tremblant la fragile porte pour guetter un premier sourire, rayon de soleil printanier caressant un bourgeon d’avril ?

Le même souffle divin vous anime, enfant du trottoir ou fils de famille. Oui, vos âmes sont sœurs, qu’importe ce vêtement de chair qui les recouvre, il est passager et s’use vite : les vers le rongent sans soucis, de la boîte noire ou du cercueil constellé d’argent qui le contient. Vous êtes tous deux conviés au même banquet, le but du voyage est identique, et de semblables destinées éternelles vous attendent… Pourquoi, ce mur de préjugés qui vous sépare à jamais ? Pourquoi, faire de l’homme, entrant dans la vie par la sombre porte du malheur, un être de différente espèce que la vôtre ? Quels sont tes griefs envers ce chétif marmot, Société, pour que tu t’acharnes après lui, flé-