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bleu — blanc — rouge

phrases terrifiantes de notre prédicateur : « Mes enfants, au nom de votre salut, je vous demande d’éconduire le malappris qui s’aviserait de vous traiter avec familiarité, souvenez-vous qu’en temps de guerre lorsque les faubourgs sont pris, la citadelle est en danger. » Ce qui veut dire, je crois, qu’il faut se garder du diable tentateur qui parfois peut prendre la forme d’un charmant Jeannot… C’est là mon dernier mot. — Non.

Comme Jeannot était un aussi bon garçon que Catherinette, une brave et honnête fille, il rengaina son baiser, moitié souriant, moitié fâché. Je ne suis pas sûre, si le motif de son insistance n’était pas le malin plaisir de voir Catherinette rouler de gros yeux derrière un rempart de chaises, et se sauver par toute la maison comme une biche effarouchée…

C’était le soir de la Sainte-Catherine, l’aimable patronne de la bonne tire et des bonnes vieilles filles. Il faisait un froid de loup, la bise soufflait, la neige couvrait les champs et la route. Sur le chemin blanc, des couples de veilleux passaient, s’en allant fêter la Sainte-Catherine dans le voisinage. Par l’entrebâillement des volets de la maisonnette, un pâle reflet de lampe tombait sur la neige pailletée de brillants. Ô chère illusion des amoureux, Jeannot se sentait le cœur éclairé par ce rayon, étoile de Bethléem qui lui révélait l’asile discret où veillait la chère petite âme de sa douce fiancée. Le beau gars avançait toujours vers la petite lumière, sa mâle silhouette se détachait plus sombre sur le chemin couleur de lune : un rude gaillard, ma foi, bâti à chaux et à sable, grand, bien découplé, tête énergique, yeux grands ouverts, moustache de grognard. Vraiment Catherinette avait bon goût. La neige craquait sous la semelle des souliers de