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bleu — blanc — rouge

Ô jeune fille, qui voudrais connaître le jour, l’instant où tu aimeras, le ciel prend pitié de toi, car il sait bien que tu ne sais ce que tu veux… Songe à l’émoi du voyageur qui traverse le désert brûlé par un soleil de plomb, la poitrine desséchée, les pieds en feu. Sa gourde est épuisée et la mort blême l’attend sur cette plaine sans fin, loin des siens, loin de sa patrie… Quand tout à coup il voit se détacher sur la rousseur du champ de sable une tache d’un vert sombre, c’est le salut inespéré, c’est l’oasis, la fraîcheur de l’ombre, la source désaltérante. Délice de l’imprévu ! Au détour du chemin un soir de bal, entre deux tours de valse la caresse d’un regard vous est resté dans l’âme ; cette télépathie étrange qui vous met subitement en communion d’idée et de sentiments avec une personne, hier encore inconnue. Ce courant d’attraction qui vous pousse tous les deux vers la même rue ; ce trouble divin de l’amour qui s’ignore encore, ce battement de votre cœur, aux accents d’une voix connues ; ah ! ces mille surprises de l’inattendu, elles dépassent toutes nos prévisions de bonheur, parce que Celui qui dispose des événements en vue de notre bien est un maître infiniment bon, infiniment sage !

As-tu besoin de savoir, pauvre petite violette, que ta fleur effacée va se faner sur sa tige, sans que le voyageur distrait n’écarte l’herbe où se cache ton front. Espère, frissonne au moindre bruissement des branches et meurs en attendant la main qui s’ira déchirer aux épines de la rose !

Toi, pauvre petite femme qui a vu s’effeuiller, jour par jour, les pétales de ton bouquet d’oranger avec les candides illusions de ton cœur, je t’ai vu longer les maisons d’une rue obscure et pénétrer dans le taudis d’une cartomancienne. Tu voudrais savoir ce qu’il a fait du cœur qu’il t’avait donné, un soir de mai, alors que dans