Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/30

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

çais avant tout. Si des ailes nous ont poussé, que, forcés d’abandonner le nid maternel, il nous faille sous d’autre climat que celui de la France, bâtir un autre nid, n’oublions pas que nous sommes toujours des rossignols et que noblesse oblige.

Parlons le français dans toute sa pureté, sans néologisme, sans anglicisme, en lui laissant toutefois la couleur locale, un charme de plus. Les idées nous viennent du dehors ; notre cerveau n’est que le nid où elles éclosent, — mais qui les y a déposées ? D’où vient le germe ou l’œuf ? — De tout et de rien, d’une révélation inattendue de la nature, d’une larme qui brusquement nous est tombée sur le cœur, d’un spectacle de la rue. Des drames passionnels sont là, l’action se déroule dans un admirable décor ; des passions palpitent, c’est un vol de papillons de toutes nuances qu’il faut saisir pour les classifier. Il y a chez nous plus de bleu, de rose et de blanc dans l’espace, que partout ailleurs. Il s’agit de les fixer sur notre palette — cela vaut mieux que de voler des aquarelles de maîtres pour s’en donner crédit.

Ah ! l’idée est une vierge immatérielle, planant parfois sur l’image la plus prosaïque : Baudelaire l’a prouvé. Elle cherche dans l’espace, l’amant qui l’épousera, poète, artiste, musicien ou savant. Mais quel déchirement, quand l’harmonie se brise entre la pensée qui s’impose et le fiancé qui ne peut lui faire chanter sa suprême mélodie, faute d’avoir perfectionné l’instrument merveilleux de la langue maternelle, si riche, si douce, si flexible et qui sait rendre toutes les nuances de la pensée et du sentiment sous l’archet d’un virtuose.