Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/310

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pour que le petit aille s’y rouler : si vous rêvez encore, ô mère, c’est pour voir votre fils grand, fort et beau, fêté, aimé, glorieux, envié. Vous brodez sur ce thème d’infinies variations ; mais songez donc, si l’on vous disait que ce fils sera attaché à la claie de l’humaine méchanceté, que ses membres seront déchirés, que son cœur deviendra la proie des vautours, dites, vos nuits ne s’empliraient-elles pas de cauchemars ?

Quels que soient les préjugés que l’on apporte dans l’étude de la femme, que l’on déplore sa futilité, sa coquetterie, la perfidie de ses caresses, esclave souvent, elle a les défauts des esclaves : la ruse, la dissimulation, la sournoiserie, l’astuce, etc. Il convient d’oublier ses torts, réels ou imaginaires, pour ne se souvenir que de son œuvre, qui est comme la raison unique de son être, « la triple et sublime mission de concevoir, de mettre au monde et d’élever le genre humain » — œuvre de toute sa vie, puisque l’enfant devenu homme, plus il est grand, plus il est fort, plus il a besoin de s’appuyer sur la femme pour monter vers les hauts sommets, où il n’atteindra que pour elle et par elle !

« Par l’amour maternel, dit Legouvé, l’animal touche jusqu’à la nature humaine, et la nature humaine jusqu’à la nature divine. » L’amour maternel remplit la femme toute entière, c’est même la dernière pulsation de son cœur. — Elle va mourir ; le mari, la tête dans les draps, pleure silencieusement ; les versets mouillés de larmes des prières suprêmes traînent dans l’air glacé par l’approche de la grande inconnue. L’agonisante, dans un spasme dernier, se redresse soudain. La frayeur ne dilate pas sa pupille, mais une dernière et plus brillante flamme de l’astre qui va s’éteindre irradie la pâle figure diaphanisée. Deux larmes brûlantes coulent de ses yeux baignés d’une surnaturelle tendresse, elle étend les bras dans