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bleu — blanc — rouge


Je vis paraître un blanc cortège
Enfants de chœur, prêtre en surplis,
Cercueil, enguirlandé de lis,
Le goupillon… pieux manège,
Qui calme et bénit la douleur.
On fit une fosse béante,
Et sur ma racine mourante,
On coucha le mignon dormeur.

Ô ciel !… une sève nouvelle
Court et bouillonne en mes rameaux,
Je tire la vie immortelle
De la chair grise des tombeaux.
Étrange loi, le suc morbide
Soudain se change en élixir !
Vie !… Es-tu fille du zéphyr,
Ou bien sœur de la mort livide ?…

Souvent une femme endeuillée
Vient s’agenouiller et pleurer.
Elle dépose un long baiser
Sur le marbre du mausolée !
Mère, si je pouvais te dire
Le mot du mystère divin :
L’âme exhale son doux parfum,
Ton fils aimé vit et respire !

Éternelle création !
Après l’enfant, la fleur et l’ange.
Ô mère, et tu sais de la fange
Tirer un immortel rayon !
Que ne puis-je faire neiger
Mes fleurs aux teintes d’améthyste,
Sur le sentier parfois si triste,
Où tu poses ton pas léger !

Pardessus le grand mur de pierre,
La tête blonde d’un gamin :
— « Le beau lilas ! Oh ! quel butin
Dégarnissons le cimetière
Les morts n’en diront rien, Ninette.
Tiens, attrape !… Est-ce assez ?… Encor.
Vite emportons notre trésor !
Faisons bouquets, chapeau, cornette »