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L’ÂME-SŒUR


À lui !

Étranger ici-bas, car nulle âme à mon âme
N’avait encor donné sa lumière et sa flamme.
J’allais toujours dans l’ombre, hésitant et craintif ;
Je fuyais les amours et le baiser furtif,
Le printemps, le soleil, la gaité, le sourire,
Car la désespérance irritait mon délire.
Perdu comme un brouillard dans la mer d’un ciel gris,
Je voguais avec lui vers d’étranges pays,
Où souriait mon rêve irréel, diaphane,
Bras souples et blancs, enlaçante liane
Autour de mon front pâle. Ah ! chère vision
Dont ma lèvre de feu buvait l’illusion.
Quand je croyais saisir le fantôme perfide,
Il glissait en mes mains et j’étreignais le vide !
Comme fuit en nos doigts l’eau couleur de saphir
Aux chatoyants reflets de l’éternel désir…
Quel désolant réveil ! Mon âme encor plus seule,
Molle ainsi qu’une chiffe, inconsistante, veule !
L’éclair étrange et dedur mon œil dilaté…
Mais depuis qu’en mon ciel a lui cette clarté
D’une amoureuse étoile enveloppant mon être,