Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/86

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ces, elle laisse sa robe d’azur, revêt une jupe de gaze écumeuse et vient pirouetter sur la pointe escarpée des rochers avec la légèreté d’une danseuse de ballet.

La folle bayadère fait voler en pleine brise son écharpe floconneuse, tandis qu’un invisible orchestre de castagnettes et de tambourins cadence le rythme de cette étourdissante farandole. Puis, elle se calme, reprend sa robe bleue, parsemée de bouquets, de nénuphars et redevient la vierge frissonnante où le ciel pur reflète sa transparence. L’hirondelle en passant l’effleure de son aile, et les algues lui font de grandes révérences. Tour à tour mélancolique et rieuse, la belle rivière descend à la mer. Mais en avançant vers l’abîme, une tristesse sourde gronde en elle, est-ce le regret des coquets villages qui se sont mirés dans son onde, de l’insouciance de son bavardage sur les galets, et de ses folles danses sur les rochers ? Roule, infortunée, vers l’océan qui t’attire fatalement. Où vas-tu ? Ton flot mêlé à l’eau amère gardera-t-il sa personnalité en perdant son nom ? Ton destin, comme le nôtre, ô Saint-Laurent, est-il voilé de mystère ?

La patrie, c’est tout ce que l’on aime et que l’on ne retrouve nulle part ailleurs. La forêt quant au printemps la sève des érables coule en gouttes vermeilles d’or le long de l’écorce brune. Ce nectar que le canadien aspire à même le chalumeau, et qui verse en ses veines la force des jeunes dieux et le courage des lions. Autrefois, les druides, recueillaient en grande pompe le gui des chênes sacrés, et ces solennités nationales revêtaient un caractère de majestueuse grandeur. La cérémonie antique se renouvelle de nos jours. Nos forêts en avril deviennent des temples rustiques où le soleil, comme une immense lampe d’or, jette des flots de lumière sur les officiants, entourant une chaudière symbolique d’où monte une odeur d’encens. Là, s’accomplit le mystère.