Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/93

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nier effort, il volera jusqu’au soleil… Oui, la reine, à cette minute suprême, comprit la vanité des choses, le néant de sa triste vie, le faux éclat des pompes royales ; elle vit se dessiner en lettres de feu sur les tentures sombres le Mane, Thécel, Pharès ! Ses actions, jugées, pesées, condamnées peut être par le tribunal de l’humanité, qui n’a d’appel qu’au trône de Dieu !… Un grand cri fit tressaillir les échos du sombre château, les rois tremblants crurent à une résurrection et s’approchèrent. — « Jurez-moi, fit la reine, solennelle et majestueuse, jurez-moi de faire cesser la guerre… Que la paix règne en Angleterre… la paix… »

Et la souveraine du plus grand royaume retomba dans son sommeil comateux, pour n’en plus sortir !

Sois bénie, ô reine, pour cette pensée suprême de pardon ! L’ont-ils compris, cet élan de ton âme généreuse ? Qu’ils prouvent, tes sujets, la sincérité de leur deuil et de leurs regrets, en accomplissant religieusement ce dernier codicille ajouté à ton testament ! Qu’ils rejettent avec horreur le cimeterre teint du sang de leurs frères ; ils adorent le même Dieu de la Bible qui a dit : « N’achevez pas le roseau à moitié brisé par le vent — N’éteignez pas la mèche qui fume encore. »

Et, si dans le cœur de ton peuple, Victoria Ire, tu as laissé une si grande admiration, un amour si respectueux pour tes vertus de femme et de reine, qu’ils fassent oublier à l’Angleterre ses injustes griefs, son ambition effrénée, sa soif de l’or… Si au nom de son idole, la fière Albion prend dans ses bras la brebis blessée et qu’elle panse ses plaies, alors Victoria, tu seras grande, l’histoire fera devant toi son salut, tu deviens digne de figurer avec Kruger, et l’auréole de la charité, nimbant ton front, consacrera l’immortalité de ton nom !