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la terre ancestrale

vieux Rioux pour maintenir sa terre, le délaissement, l’indifférence du fils devant cette grande pitié, lui faisaient douter du cœur du jeune homme. Elle ne voulait d’abord pas croire aux habiles calomnies de Delphis, mais, peu à peu, la défiance naissait. Toutes ces circonstances, jointes à l’opinion de sa famille, opéraient dans le cœur de Jeanne un grand travail de grignotement.

Morin était arrivé au moment propice ; calculant les dispositions d’esprit de la jeune fille, il avait choisi son heure. Il était apparu en affichant tout l’éclat possible ; avec d’apparentes réticences, il avait dénigré son compagnon. Il en avait imposé à Jeanne dont les préventions, contre lui, tombaient une à une ; ce n’était pas l’amour, ah non, loin de là, mais ce n’était déjà plus le mépris. Pour sa vanité de vingt ans, il était si flatteur de se voir préférée aux autres par le brillant citadin.

Pendant que son rival employait toute son intelligence à le rouler, Hubert, ignorant la fourberie, travaillait en toute tranquillité ; dans son idée, il préparait le moment qui lui permettrait de dire à Jeanne ; « Vois comme j’avais raison ; maintenant, tu peux me suivre, je te rendrai heureuse. »