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LA TERRE ANCESTRALE

II

Le doute et l’hésitation


Le Nord-Est mollissait Le Nord-Est, ce large vent du golfe qui, avec chaque grande marée, charroie sur le Bas Saint-Laurent, dans son puissant souffle, un incroyable amas de brume et de pluie. Toujours, il s’annonce par un brouillard si épais qu’il borne la vue à trente pas. Le lendemain, des orages torrentiels alternent avec des échappées de ciel bleu ; puis, pendant deux jours, une pluie fine et froide vous glace jusqu’aux os. Et sans arrêt, pendant quatre jours, l’ouragan s’engouffre dans l’entonnoir du golfe et suit le couloir du fleuve en débordant sur ses rives. C’est le vent si redouté des navigateurs ; c’est lui qui rend nos automnes pluvieux et retarde nos printemps.

Ce jour là, Hubert descendait à la grève. Il allait récolter des algues marines pour la fumure des prés. Pendant la tempête, les vagues les avaient déversées par rouleaux tout le long du rivage. Il suivait l’escarpement de la rivière Chassé quand, sur le sommet de la côte et commençant la descente, il s’arrêta surpris.

— Bonjour Jeanne ! que fais-tu donc ici ? salua-t-il.

La jeune fille, cachée par une touffe d’arbrisseaux,