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La littérature de l’époque

quement l’accusé sans avoir égard à sa qualité de gouverneur. Je ne puis citer à l’imitation de votre Majesté un plus illustre modèle à copier que Votre Majesté même ; — surtout dans une circonstance où toute une colonie alarmée (pour se consoler de ses malheurs dans le but de les voir adoucir et réparer) attend la justice que je sollicite dans le mémoire que j’ai l’honneur de présenter au trône et qui ne contient qu’une légère ébauche de mes persécutions et de celles de tous les Canadiens. Sur le bord de ma fosse, creusée d’avance sous mes pieds par les violences de la tyrannie, mon jugement est l’unique espérance qui me reste pour mourir au moins avec honneur et content.

J’ai l’honneur d’être avec le plus profond respect et le dévouement le plus universel,

PIERRE Du CALVET.


Cette lettre est du Du Calvet compassé, solennel. On le voit, il ne dédaignait pas les précautions oratoires pour bien disposer le souverain en sa faveur, mais sous les fleurs de la rhétorique on sent le volcan huguenot qui gronde sourdement. Ceux qui mettent leur habileté au service d’une bonne cause sont plutôt à louer qu’à blâmer : quand on n’est pas le plus puissant il faut être le plus adroit. Ce magistrat qui avait été l’ami et le protégé de Murray était aussi à l’aise sous l’habit de courtisan que sous la « bougrine » de l’habitant, la capote du soldat et la toge de l’homme de loi. Il avait l’habileté suprême : celle de la bonté et de la tolérance. Il écrivait à ses concitoyens lorsqu’il était en Angleterre : « Je suis protestant, mais tout au moins, dans ma publication, j’ai suivi des principes d’équité bien différents et qui sont de toutes les religions ; lisez les termes honorables sous lesquels je cite la vôtre ; avec quel respect, je fais mention de votre Clergé et de vos Communautés ; avec quelle droiture je rends justice à leurs vertus ; et avec quelle chaleur, enfin, je défends et soutiens leurs droits nationaux et même religieux. » Il serait à souhaiter que la tolérance ne soit pas seulement d’un côté ; nos mœurs y gagneraient en douceur et en modération. Il faut lire ses « Lettres aux Canadiens » pour admirer l’élévation