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Papineau

Nombre d’amis de l’institut donnèrent des livres à l’Institut. Parmi ces généreux bienfaiteurs on comptait le prince Napoléon. Ce noyau de bibliothèque contenait trois mille volumes bien choisis. Quelle aubaine pour ces amis des lettres, ces chercheurs, et qui n’avaient pour apaiser leur soif de savoir que de vieux livres d’aventures, de voyages ou de dévotion, sans sève comme des racines desséchées. À l’idée qu’ils pouvaient être privés de ce pain de leur esprit, ils étaient indignés, car sortis de la nuit, ils ne voulaient pas y rentrer.

Des Anglais qui se piquaient de libéralisme fréquentaient l’Institut canadien. Ce furent les premières tentatives de rapprochement entre l’élite des deux races, les premiers essais d’entente cordiale, après les sombres événements qui les avaient divisées. Les tyrans d’hier avec un geste cornélien tendirent la main à leurs victimes « Soyons amis, Cinna, c’est moi qui t’en convie. » Ils soutinrent même de leurs deniers la vie chancelante de l’Institut.

Ceux qui disaient vouloir la paix du pays devaient se réjouir de voir se dissiper les malentendus entre conquérants et vaincus. Ceux qui se disaient les sauveurs de notre nationalité auraient dû être heureux de la voir sortir de son infériorité et s’affirmer par des œuvres de l’esprit. Cette éclosion de jeunes talents sur un sol ingrat était de nature à raviver leurs espérances patriotiques, car ceux qui étaient frottés de lettres savaient parfaitement que des peuples sans idéal artistique et sans littérature sont destinés à devenir les manœuvres des peuples instruits. D’où vient que des esprits chagrins prirent ombrage de ce cercle émancipateur d’où sont sortis les plus vaillants défenseurs de nos droits, nos meilleurs écrivains et les types les plus représentatifs de notre race ?

C’est de la fondation de l’Institut que date la transformation de notre patriotisme. Jusque-là, les Canadiens-français s’étaient confinés dans le domaine étroit du provincialisme. En dehors de Québec, de son sol et de ses traditions, rien n’existait pour eux. Cet exclusivisme fut nécessaire, car il concen-