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Page:Côté - Papineau, son influence sur la pensée canadienne, 1924.djvu/164

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Discours de Papineau

libre, par celles de la libre discussion. Ils donneront de plus en plus des consolations et des espérances aux opprimés : ils avancent l’heure des rétributions, l’heure des nobles vengeances, où le bien sera fait même à ceux qui ont pratiqué le mal.

Les privilégiés s’imaginent toujours que les plaintes contre les abus qui leur profitent sont une invitation à les réprimer par la violence. Les hommes fiers, justes et éclairés, dont les convictions sont intenses parce qu’elles sont le résultat de fortes études et de longues méditations, ont foi dans l’empire de la raison, et c’est à la raison seule qu’ils demandent la correction des abus. Leurs efforts s’adressent à tous, aux puissants d’abord, pour leur inspirer de la sympathie pour le peuple souffrant et appauvri par les abus. Ils leur présentent la gloire et le bonheur à conquérir, s’ils savent rendre la société de leur temps plus prospère et plus morale qu’elle ne l’a été dans les temps qui ont précédé. Ils s’adressent à eux d’abord et de préférence, parce que leur esprit étant plus cultivé, ils seraient mieux préparés à pouvoir envisager les questions d’intérêt général sous tous leurs différents aspects et à les résoudre vite et bien si l’égoïsme ne les aveugle pas. Ils s’adressent ensuite aux masses pour leur dire que la raison est le plus riche et le plus précieux des dons divins, et qu’il a été départi à tous à peu près également, que la culture de l’esprit peut en centupler la fécondité et la vigueur ; que pour défricher la terre, il faut la force physique éclairée par l’expérience, mais que pour faire de bonnes constitutions et de bonnes lois, et pour les appliquer sagement, il faut avant tout une haute raison, éclairée, non seulement par des études sérieuses, mais par le dévouement réel au pays, et par l’absence de toute convoitise personnelle d’ambition, ou d’intérêt. Voilà ce qui se voyait autrefois, voilà ce qui est devenu rare, aujourd’hui que les fortunes acquises aux dépends du public, et surtout de l’honneur personnel, sont devenues si nombreuses ! Que ces reproches de propension à la violence viennent mal de ceux qui ont constamment recours à la violence pour empêcher la libre discussion de questions politiques ou sociales, violence physique au moyen de la loi, violence morale,