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Le souffle de la Réforme

doctorat en théologie. Mais avant il avait passé par une période de découragement qui le fit s’exiler du pays pour aller porter dans l’Illinois son zèle apostolique. Il y fonda une colonie de protestants français et transplanta en sol étranger quelques milliers de Canadiens français qui se laissèrent éblouir par sa parole entraînante, dans l’espoir de trouver là-bas un nouvel Eldorado. Ce fut une erreur de sa nature impulsive de vouloir détacher du sol des gens probes, travailleurs, et d’esprit entreprenant. Il n’avait pas songé que cette nouvelle saignée affaiblissait notre santé nationale assez précaire dans ce temps. Mais il revint finir ses jours dans sa patrie. Il avait plus de quatre-vingts ans, l’âge d’un patriarche, quand la mort le prit.

Tout de même, Chiniquy est une figure remarquable, et on ne peut la supprimer de nos annales sans qu’il y ait une lacune dans l’histoire de la pensée canadienne-française. Auteur de plusieurs livres, orateur à l’emporte-pièce, apôtre de la tempérance, polémiste, commentateur de la Bible. On lui a lancé tant de horions, de lazzis et de cailloux pendant sa vie qu’il a bien mérité qu’on jette quelques fleurs sur sa tombe.

Sans exercer une influence prépondérante en chambre, les protestants français, vers le milieu du dix-neuvième siècle, pouvaient faire pencher la balance du côté des idées libérales. Ils apportaient un principe d’honnêteté nécessaire pour l’évolution du pays. Ils disposaient de la presse anglaise et des feuilles protestantes françaises, de journaux comme Le Pays et L’Avenir. Tant qu’ils firent partie intégrale de la nation, qu’ils eurent une voix autorisée dans le chapitre pour faire promouvoir les intérêts français, ils comptèrent et l’on compta sur eux. L’arrivée de M. Joly, huguenot, comme premier ministre, homme intègre et droit, montre l’influence du groupe protestant, capable alors d’imposer ses volontés, et de porter au pouvoir des hommes d’une belle valeur intellectuelle et morale. Puis, subitement, on ne sait pourquoi, sans aucun fait qui ait marqué pour le protestantisme français au Canada