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Papineau

pris de fuite.

Les historiens les plus hostiles à Papineau admettent sa présence à Saint-Denis avant l’engagement. On ne peut contester sa valeur et son courage, car il avait maintes fois fait face à l’ennemi. C’était même sa bravoure qui le rendait invulnérable. Son impassibilité, ses yeux qui regardaient de haut, firent plus d’une fois tomber les armes des mains de ses ennemis. Jamais il ne serait monté dans la charrette qu’on mit complaisamment à sa disposition, s’il n’avait cru son départ nécessaire à la révolution. Le général avait poussé le dévouement jusqu’à faire escorter la voiture par des patriotes, pour protéger sa fuite…

À quel motif obéissait Nelson en faisant conduire Papineau en dehors du champ des hostilités ? Il y a, dans les âmes, de mystérieuses arcanes où il n’est pas sûr de s’engager. Nous n’avons aucune raison de suspecter la conduite du général des patriotes, mais avait-il bien dépouillé le vieil homme, c’est-à-dire l’Anglais ?… Son rêve de dictature pouvait-il lui faire oublier que la présence de Papineau était nécessaire pour soutenir le courage des combattants ? Ils avaient besoin d’un panache blanc pour rallier les volontés défaillantes et garder haut les cœurs. Il leur fallait entendre claironner son verbe pour stimuler leur enthousiasme et leur ardeur. Seul, il pouvait dominer la clameur et indiquer la marche à suivre. S’il s’était trouvé là un cerveau ordonnateur pour montrer le chemin — car Nelson n’a jamais eu l’idée de tracer un plan de ses opérations, afin de tirer parti des forces éparses pour les réunir en faisceau et les diriger sur l’ennemi — qui sait s’il n’aurait pas exploité magnifiquement les premiers succès de Saint-Denis ? Au lieu de cacher l’idole, il devait plutôt la promener, la montrer à tous, car c’était leur arche d’alliance.

Si Nelson voulut supprimer un dangereux rival qui devait plus tard recueillir le fruit de la victoire, car dans son imagination ardente, elle était déjà un fait accompli, c’est un procédé qui, pour être humain, manque de délicatesse. S’il a voulu traîner l’idole dans la boue pour nous faire croire à l’argile de