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Page:Côté - Papineau, son influence sur la pensée canadienne, 1924.djvu/61

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Papineau

le sinistre en avaient les cheveux « droits sur la tête ». C’était à quatre heures de l’après-midi du 7 novembre en 1819. Un formidable nuage noir s’amoncela au-dessus de la ville et l’obscurité devint si dense qu’on n’y voyait plus. Soudain, un éclair serpenta au-dessus de la croix de l’église et l’enveloppa dans une spirale de feu. Le tocsin sonna l’appel au feu et les citoyens malgré leur frayeur parvinrent à éteindre l’incendie au moment où la lourde croix s’écrasait sur le pavé entraînant la façade du temple.

Les imaginations étaient surexcitées parce que des sauvages avaient prédit qu’un tremblement de terre détruirait la ville. D’autres étaient sous l’impression que le mont Royal recelait un cratère. Les gens étaient alors trop simples pour ne pas attribuer à des causes surnaturelles ou à l’intervention de mauvais esprits tant vivants que défunts des accidents banals de la vie. Leur ignorance des phénomènes que l’étude des sciences naturelles a vulgarisés, comme les éclipses totales du soleil, l’apparition des cyclones et des trombes ou les secousses sismiques, fut cause que la population se crut rendue à sa dernière heure. L’an mille ne jeta pas plus de perturbation dans les esprits que « cette grande noirceur », qui semblait préluder à l’ombre éternelle.

Un autre incident provoqua tout un émoi à Montréal, ce fut la capture d’une baleine de quarante-deux pieds et huit pouces de long. La reine des mers n’en était pas à ses premières visites, s’il faut en croire ce que le « Spectateur canadien » de Montréal, en date du 22 juillet 1813, publiait dans ses colonnes. C’est une déposition assermentée devant deux juges du Banc du roi : « M. Verrault, ancien marchand, et M. Joseph Favreau ont vu dans le fleuve un animal moitié homme et moitié poisson qui fendait à toutes nageoires l’étendue du lac Supérieur. » Leur témoignage diffère quelque peu. L’un prétend que l’animal avait les cheveux lisses et l’autre, légèrement bouclés. — « Mais on ne peut récuser le témoignage de ces hommes instruits, éclairés, d’une probité reconnue », dit « L’Aurore » de M. Bibaud. Une femme sauvage qui était présente à l’apparition du monstre