CHAPITRE X.
LA LITTÉRATURE AU TEMPS DE PAPINEAU.
S’il fallait en croire nos manuels scolaires, les cinquante années qui suivirent la conquête ont été les sept vaches maigres de la littérature, suivies des sept vaches grasses, alors qu’on devrait plutôt penser le contraire. On nous peint volontiers les Canadiens d’alors comme des ruminants ou des mollusques, moins encore, des êtres vivants d’une existence purement végétative. Que l’on nous représente cette époque comme le chaos de notre littérature, nous en conviendrons assez. Le temps de transition, c’est-à-dire le passage d’un état social à un autre, est toujours douloureux et les productions littéraires de cette époque tourmentée devaient porter l’empreinte de leur gestation pénible. Mais de là à dire que rien de primesautier, de spontané, d’improvisé, ne jaillit dans ces premiers essais de nos écrivains, que c’est l’aridité des terres de sel, la stérilité des sols pierreux qui ne peuvent donner naissance à aucune plante vivace, c’est autre chose. Vous trouverez au contraire dans ces écritures frustes l’âme éparse de notre peuple. Vous en découvrirez les éléments constituants : l’amour de la patrie, la fierté d’hommes libres même livrés aux mains des tortionnaires. Vous avez en les lisant l’idée de leur dur berceau et de l’enfant râblé et fort de poumons qui y vagissait. Nous ne craignons pas de le dire, ou bien notre nationalité disparaîtra, ou bien elle voudra se retremper à ces sources pures, saines et rafraîchissantes et se fortifier par une sympathie ardente pour ces nobles