Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/126

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d’inflexible dans les injustices de la volonté paternelle, de vexatoire dans les exigences de la vanité maternelle, d’angoisses inutiles répandues sur la fraîche vie de l’enfant. Je dirai que la pauvre créature est soupçonnée, surveillée, poursuivie dans ses rires, dans ses pleurs, dans son maintien, dans ses jeux ; jusque dans son sommeil. Je dirai que la stupide émulation de ses parents emprisonne l’enfant dans les vêtements à la mode, le courbe sur un travail incompréhensible, l’agenouille dans les églises, et l’enchaîne à une manière de bourreau qu’on nomme un professeur, hongreur patenté de toute audace et de toute fierté. J’affirmerai que c’est là le plus odieux et le plus lâche despotisme, 52 et qu’il prépare à l’enfant, devenu homme, une longue chaîne de tortures.

Ô famille ! lien volontaire de deux cœurs qui s’adorent, secret sanctuaire des plus intimes affections, joie de la femme féconde, repos de l’homme fort, refuge de l’enfant sans défense… C’est ainsi que les bourgeois t’ont souillée sous leurs froids embrassements ! Vierge pure et libre, fille et mère de l’amour ! comme ils t’ont garrotté dans les contrats, noyée dans l’eau bénite, prostituée dans la publicité ! Comme ils ont fait de toi une caverne de voleurs ! — Et fecerunt eam speluncam latronum !

Ainsi je pensais, et sur mes lèvres pâles errait un anathème qui me faisait trembler. « Ah !