Je connaissais le peuple ; je l’avais suivi dans toutes les manifestations de sa pensée, dans tous les actes de sa vie, depuis son grabat de mort jusqu’à son trône de pavés. La Révolution m’avait rendu la vie ; elle pouvait me la redemander à toute heure : j’étais prêt.
Ma vie était un continuel délire, un insatiable besoin d’agitation. Dès lors, et de jour et de nuit, une voix ne cessa de retentir à mon oreille, qui me criait : en avant ! en avant !
En avant ! nous sommes loin des jours de Février. Voici le 17 mars, première tentative d’une réaction timide, première hypocrisie des bourgeois sans principes auxquels la République confia ses destinées provisoires.
Voici le 15 mai, trombe d’un jour, qui emporta les fils les plus braves de la liberté, ceux que nous sommes accoutumés à voir les premiers sur la brèche. Ils se sont levés le matin, au nom de la solidarité des peuples, le soir les verra retomber, plus étroitement garrottés que la veille, comme cette Pologne martyre qu’ils voulaient ressusciter. Honneur à vous, Barbès, Blanqui, Laviron, Chancel, Raspail, votre exemple sera suivi, mais trop tard hélas pour la Révolution !
En avant ! en avant ! Voici de sombres journées.