Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/135

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Leur devise était simple, mais plus savante dans sa simplicité que les systèmes menteurs : « Du travail ou du plomb ! » s’étaient-ils écriés. Toute la Révolution est là ; il n’est que le peuple pour résumer dans un cri les aspirations d’un siècle. — Du travail !… c’est-à-dire abolition de la propriété, de l’intérêt, de tout monopole mortel au travail. — Ou du plomb !… ou la guerre à tous ces abus par le plus expéditif de tous les moyens, par la dernière raison des opprimés.

À cette franche attaque, qu’opposa l’hypocrisie bourgeoise ? — Trois haillons cousus en un, le drapeau tricolore, le drapeau du Peuple, de la Noblesse et de la Bourgeoisie ; l’étendard du travail, de l’oisiveté et du commerce ! Comme si l’on pouvait accorder le vol et la justice, la misère et l’opulence, la vie et la mort ! Le drapeau tricolore, souillé par toutes les hontes, chiffon qu’on vit traîner en Espagne, à Anvers, à Ancône, à Constantine, partout où il y avait à ramasser de la boue ! — Et puis ces mots : Ordre, salut public, maintien du gouvernement, que répètent encore les murailles de Varsovie, les rives de la Saône lyonnaise, les échos de Saint-Méry et de Transnonnain, ces trois mots avec lesquels on conserve toutes les iniquités.

Et tandis que le peuple, à qui l’on refusait du travail, jetait ses grands défis à la face du monde, du haut de ses barricades inondées 58 de soleil ; tandis que son plomb vengeur atteignait dans la cohue des fonctionnaires tout ce qui brillait le