Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/155

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et qui jamais ne cesse de couler au milieu de l’humanité.

Et quand, gonflé par les flots d’iniquités et de révoltes que lui apporteront ses affluents, ce grand fleuve rompra ses digues, quand 70 palais, cités, hameaux, s’écrouleront dans ses flots ; quand il entraînera richesses, nations, idées et croyances ; quand les autres hommes fuiront éperdus devant ses envahissements……

Alors cet enfant sera devenu homme, et s’écriera :

« Peuples ! ne cherchez pas à arrêter ce fleuve ; il est plus fort que vous, il vous broyerait, comme l’Océan les vaisseaux.

« J’ai navigué sur ses eaux torrentueuses, j’ai sondé ses récifs, tantôt la poitrine nue, tantôt la rame en main, porté sur une embarcation fragile ; je connais ses courants difficiles ; je me suis endormi dans ses îles fleuries ; j’ai prêté l’oreille aux gémissements de ses vagues, et leur harmonie m’a paru plus douce que celle de la lyre ; j’ai bu de son eau limpide, et elle a fait courir en moi une douce fraîcheur.

« Confiez plutôt vos nacelles à ses ondes soulevées ; livrez avec confiance vos solides voiles aux vents qui le mutinent, faites provision d’aliments, de courage et de vins généreux, et remplissez l’air de vos cris d’allégresse !

« Je vous le dis, ce fleuve est pareil au Nil, qui détruit pour fertiliser, qui noie et qui sauve, qui tue et qui ressuscite, qui fait verser quelques lar-