Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/212

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souffrir la faim, les 107 femmes et les enfants des pauvres attachés aux machines comme des bêtes de somme, les jeunes filles sans ressources, obligées de se prostituer pour vivre, et de jeunes artistes pâles de besoin. Depuis, j’ai fait moi-même de la médecine et des livres qui n’ont profité qu’au pharmacien et au libraire.

Et je me suis dit que, dans nos sociétés pressées, tous ceux qui ont besoin du travail ne le trouvent pas ; que ce travail est vide d’attrait et d’espérance ; qu’il ne suffit pas à notre vie, et qu’il nous conduit rapidement à la mort.




Que faire donc sur la terre, quand toutes les portes nous sont fermées, quand tous les regards nous dédaignent, quand tous les cœurs nous évitent, et que le travail nous est interdit ? Hélas ! jouir par la haine, puisque nous ne pouvons jouir par l’amour, mordre puisqu’il nous est défendu d’embrasser, pleurer du sang après que nous avons tari la source de nos larmes ; étouffer au lieu d’étreindre, incendier et ne pas réchauffer, tout détruire, puisque rien n’est à conserver.

Jouissances amères ! émotions qui déchirent ! épreuves qui vieillissent les hommes avant l’âge ! Vie de réprouvé, révolte de démon, infernal travail ! Que la faute en retombe sur les têtes de ceux qui l’ont rendu nécessaire !