Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/219

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souillé les couleurs fédérales. L’asile libre, honoré, tranquille, voilà le droit qu’ont à maintenir contre toute prétention injuste ceux qui reçoivent, comme ceux qui donnent l’hospitalité. Malheur à qui laisse violer ce droit ! Malheur surtout au peuple, qui, tout entier contre quelques hommes errants, les expulse de son territoire, sur la sommation d’une puissance supérieure. Il n’est pas de crime qui s’expie plus chèrement que celui-là.

Les fruits s’étiolent dans les serres chaudes ; les hôtes des forêts meurent dans la captivité ; les plus superbes intelligences se flétrissent sous les verroux. Entre la nature et l’homme s’exerce une réaction constante dont la suspension est incompatible avec la vie.

114 Nous séparer de l’espace et du temps, rompre nos attaches dans le passé et dans l’avenir, nous arracher brusquement à nos occupations de chaque jour, à notre société, à nos proches, c’est nous faire respirer le vide, c’est nous condamner à une mort pleine de lenteurs.

La lâcheté des gouvernements préfère ces silencieuses exécutions à toutes les autres, elles l’exposent à moins de réprobation et de représailles. Les rois ont calculé la moisson de cadavres que leur préparait l’exil, ils sèment à l’envi dans ce champ du meurtre. Ils savent combien succomberont à la rigueur des climats, combien à la nostalgie, combien à la misère, combien aux sollicitations de leurs proches, et combien au