Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/227

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

famille dans un même amour, comme la colombe rassemble sous ses ailes tout ce qu’elle chérit. Mais impuissante à le faire, pareille au pauvre oiseau privé de la moitié des siens, elle voletait çà et là, tremblant de froid. Qu’elle fût près de ses parents ou près de son mari, elle avait toujours à regretter des affections absentes : Et ses regrets n’étaient que trop fondés.

C’est qu’autour d’elle, obéissant à l’irrésistible entraînement de son amour, s’était groupée toute une famille aimante. C’était des parents qu’elle n’avait jamais quittés et qui l’avaient élevée pour son bonheur et non pour le leur. C’était un mari dont elle admirait le courage et la résignation. Et puis enfin, un enfant, le plus 119 aimable, le plus gracieux, le plus souriant, le plus naïvement spirituel de ces petits êtres que nous appelons des anges, parce que leurs âmes se montrent plus à nu que les nôtres à travers l’enveloppe de la matière transparente encore. Qui n’eût envié une pareille famille ? Qui n’eût compris ce poignant chagrin ?

Moi qui écris ces lignes, j’ai vu cette jeune femme subir ces interminables journées. Résignée, muette, tantôt elle passait machinalement les doigts dans les cheveux de son enfant, et tantôt elle le pressait contre elle de toute sa force, et l’embrassait à le faire crier. La tristesse s’était si profondément incarnée en elle qu’il ne semblait pas qu’elle pût jamais sourire de nouveau. Elle réalisait, dans tout ce qu’elles ont de plus sublime, ces grandes figures plaintives par lesquelles le christianisme et la