Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/257

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Celui avec qui j’ai rompu le pain et vidé la coupe !

L’homme au bras duquel j’étais fier de me promener par la ville !

Celui dont je prenais la réputation pour garant dans un temps j’étais obligé de cacher mon nom !

L’être à qui j’avais ouvert mon cœur, pour qui j’aurais donné ma vie !

Celui dont le dévouement affecté me faisait douter de ma théorie de l’intérêt personnel !

Celui que j’appelais mon ami, ce républicain si désintéressé, si simple, si enthousiaste……

Il trahissait ! C’était un agent de police.

Sans répugnance, je me suis assis à sa table, et j’ai couché sous son toit ;

138 Car il me semblait que la maison de l’espion devait différer des autres, et qu’il s’en exhalait comme une odeur de Sodome. Je m’étais figuré que les murailles en étaient sales, les vitres brisées par la foudre, le plancher rempli de vermine, les meubles couverts par des toiles d’araignées. Et au milieu de tout cela, je plaçais le malheureux, seul, comme un hibou dans une église en ruines.

Cependant sa demeure était semblable aux autres demeures.

Je ne croyais pas qu’un mouchard pût être joyeux ; je n’aurais pas imaginé que, depuis Judas, il osât reparaître dans les festins, et embrasser ceux qu’il voulait trahir.