Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/352

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nes d’aussi loin que tu le distingues, craindrais-tu de manquer cette pomme à quatre-vingts pas ? L’œil et la main du père seraient-ils moins sûrs que ceux du chasseur ? Tu as refusé de rendre hommage à mon chapeau qui représente la majesté de l’Empereur. Je te fais grâce de la vie, et je remets celle de ton fils entre tes mains, quand rien ne m’empêcherait de les prendre toutes deux. Suis-je donc sanguinaire et cruel, et ne devrais-tu pas te montrer reconnaissant de ma clémence ? Allons ! assez de discours ; montre-nous ce que tu sais faire, car nous aimons les gens habiles et nous les protégeons. »

— « Seigneur haut-baron, ne cherchez pas de vanité dans mon cœur, ne me narguez point dans un pareil moment. Je vous ai demandé pour grâce suprême de mourir plutôt que de jouer avec la vie de mon enfant : vous me l’avez refusé. Cependant, Dieu qui donne l’adresse et le pouvoir, défend de les employer contre ses semblables et surtout contre les enfants de ses entrailles. Malheureux qui commet un pareil crime ! plus malheureux sept fois celui qui l’ordonne ! Vous m’avez entendu, seigneur haut-baron, vous ne répondez point… Donc, que votre volonté soit faite. C’est la première fois que j’obéis à l’ordre d’un homme : pardonnez-le moi, mon Dieu !

« Vous, valets de bourreau, bandez les yeux de mon fils, ajouta-t-il d’une voix terrible ; qu’il ne voie pas son père tendre contre sa vie cet arc détesté. »