Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/368

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Bourgeois, vous êtes des meurt-de-faim, des mendiants !!

Je veux partager cette infamie glorieuse. Aussi bien, cet assassinat juridique pèse à ma conscience. J’aurais pu me rendre en 211 France le jour où il fut commis ; peut-être le désespoir m’eut bien inspiré ? Je m’accuse d’une faute sur la gravité de laquelle je n’avais pas réfléchi dans ce temps là. C’est un remords, une main glacée sur ma respiration ; je sens sur tout mon corps le sac humide dans lequel on enveloppe les exécutés. Je secouerai ce sac, j’en ferai jaillir sur tous les fronts la froide souillure ; j’agiterai le grelot des vengeances. J’opposerai tribunal à tribunal, homme à société, verdict à verdict. De même que Montcharmont s’est fait juge ; je me ferai procureur général. Ce sera peut-être la première fois qu’une magistrature terrestre ne mentira pas.

Justice des hommes, opinion bavarde ! que tu es tardive pour ceux qui devancent leur âge ! Puisque le scandale te fait hâter, j’enverrai à ta rencontre le Scandale au pas retentissant. Dans ce temps d’hypocrite douceur où l’on cache l’homicide à la barrière Saint-Jacques, la misère à l’hôpital et la maladie en prison ; dans un pareil temps, il faut déchirer, mordre, à toutes griffes et à toutes dents ; il faut lancer le pamphlet aux yeux et le crier dans les oreilles pour savoir enfin si l’on peut secouer cette interminable léthargie. — Heureux celui par qui le scandale arrive !

Je veux présenter aux rêves des civilisés cette