Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/385

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publiques se font en tapinois ? Ne voyez-vous donc pas que vous vous cachez, que vous avez peur de votre œuvre ?… qu’au fond, vous êtes interdits, inquiets, peu certains d’avoir raison, gagnés par le doute général, coupant des têtes par routine, sans trop savoir ce que vous faites ? Ne sentez-vous pas, au fond du cœur, que vous avez tout au moins perdu le sentiment moral et social de la mission de sang que vos prédécesseurs, les vieux parlementaires, accomplissaient avec une conscience si tranquille ? D’autres, avant vous, ont ordonné des exécutions capitales, mais ils s’estimaient dans le droit, dans le juste, dans le bien. Jouvenel des Ursins se croyait un juge ; Élie de Thorette se croyait un juge ; Laubardemont, La Reynie et Laffémas 222 eux-mêmes se croyaient des juges ; vous, dans votre for intérieur, vous n’êtes pas bien sûrs de n’être pas des assassins !

« Vous quittez la Grève pour la barrière Saint-Jacques, la foule pour la solitude, le jour pour le crépuscule. Vous ne faites plus fermement ce que vous faites ; vous vous cachez, vous dis-je ! »

Et puis toutes ces exécutions ne font pas faire un pas à la véritable question, à la question organique, qu’il faudra bien résoudre. Elles ne font pas que la propriété soit légitime, l’usure équitable, le catholicisme satisfaisant, l’amour possible, l’instruction générale, la société juste. Et la société injuste est un terrain marécageux sur lequel nous ne pouvons plus marcher, dans lequel la contagion du vol et de l’assassinat, et le crime torpide