Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/487

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mon, repousse en principe tout ce dont s’effraie la morale la plus pudibonde : vous voyez bien qu’en théorie et en fait, je suis tout l’opposé du philosophe. — Homme politique ?… Je n’y ai jamais pensé. Un homme politique, dans toute l’acception du terme, a des habits et des allures à lui, une diction spéciale, et de l’aplomb pour les milliers d’hommes qu’il suppose commander. Or, je m’habille comme tout le monde, généralement d’après l’usage des pays que j’habite ; mes manières sont telles que l’a voulu la nature ; je parle sans m’écouter, et j’ai tout juste assez d’aplomb pour paraître parfaitement gauche au milieu d’une réunion d’épiciers et de donneurs de leçons de français en Angleterre.

Je suis un rêveur, un ennemi de toute règle et de toute mesure. Je cours d’une pensée à l’autre, d’un pays à un autre pays, comme l’hirondelle qui laisse aux beaux jours le soin de diriger son vol.

Qui suis-je ? — Propriétaire ?… Mon père l’est ; c’est assez dire que je ne le suis point. — Homme de lettres ?… Je paie mon éditeur, et jamais mes livres ne m’ont valu que des ennemis : ce ne sont pas là les caractères généraux des gens de lettres. Médecin ?… Je suis partisan de la liberté de guérir illimitée ; j’estime que les maladies passeront, comme la médecine qui est la pire de toutes, quand nous vivrons selon l’ordre de la justice ; enfin, je ne sais point jeter le voile de velours philanthropique sur le plus arbitraire des monopoles. Je ne suis pas médecin.