Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/83

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Et quand on n’est plus, l’humanité, bourrelée de remords, viole vos tombes, dispute vos restes aux vers, vous transporte pompeusement au temple de mémoire, ou vous jette avec mépris à la boue du ruisseau.




Lorsqu’il y a deux ans, je commençai à m’occuper des analogies humaines et sociales, je ne fus pas entraîné par une aveugle confiance en moi-même, et je ne me dissimulai pas les difficultés de mon entreprise.

Je voulais traiter un sujet scientifique et politique à la fois[1], et le seul public auquel je pouvais m’adresser était cette classe de prolétaires pour l’éducation desquels la civilisation n’a rien fait 24 encore, et qui n’arrivent à la connaissance de la vérité que par le sentiment intuitif. Quoi que je fasse, me disais-je, pour abréger les détails scientifiques, mon livre n’en contiendra-t-il pas encore trop ? Ne vais-je pas fatiguer mes lecteurs dès les premières pages, et manquer mon but ?

Autre complication, et c’était la plus sérieuse, mon livre ne pourrait pas être introduit en France ; il ne serait lu que par l’émigration. Or personne n’ignore ce que deviennent les hommes dans

  1. C’est impossible autrement ; à l’heure qu’il est, la science sociale a fini par absorber la politique oiseuse. — Dieu merci ! — Il n’y a plus que les décembraillards et les démagogues qui différencient l’une de l’autre et réservent leurs prédilections à la seconde.