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Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome II.djvu/214

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124 Homme des champs, homme de paix et de travail, tu t’attaches à la bête vigoureuse dont tu prépares la litière et la buvée. Tu l’admires quand elle trace à tes côtés le sillon creux et droit où

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    ner ? Je lui demande si ce n’est pas une lâcheté misérable, une affreuse ingratitude de tuer par excès de fatigue les animaux les plus utiles et les plus courageux ? Ah ! laissez donc à la Faim, triste conseillère, la responsabilité d’avis si déplorables. Mais vous, homme de lettres, représentant du peuple déshérité, si réellement vous voulez sa rédemption, faites appel à sa colère, non plus à sa patience ; à sa révolte, non plus à sa soumission. Gardez-vous comme d’un crime de mettre dans sa main l’arme des attermoiements, des fins de non-recevoir, du suicide, en un mot ! Souvenez-vous surtout que les livres d’un écrivain sont ses œuvres, et qu’on reconnaît son caractère en les lisant !
    Qu’on en soit bien convaincu, la solution du problème social ne peut être donnée par l’économie, la gêne et la stérilité. Le but de l’existence, c’est le Bonheur. Et quand on viole ce principe au détriment d’un être quelconque, la souffrance de cet être se répercute sur tous les autres. Car toute solidarité s’étend par en haut comme par en bas de l’échelle zoologique.
    Multipliez donc les animaux, ne les diminuez pas ; ménagez-les, traitez les bien, ne les ruinez pas ; la vraie richesse de l’homme, c’est la dépense de l’argent, sa disparition totale. Quand il n’y aura plus de capitaux et de propriétés, vos bêtes de somme et vous, agriculteurs qui n’êtes guère plus heureux, vous pourrez vivre, enfin. Les charlatans philanthropes vous répéteront à satiété de surmener vos serviteurs et vous-mêmes, de vous serrer, de leur serrer le ventre, d’attendre tout du progrès lent, de la discussion pacifique, de la propagande démocratique, persuasive et conciliante.
    Moi, je n’ai pas de conseils à vous donner, moi, je ne suis pas un homme considérable. Seulement je vous fais voir que vous êtes libres de souffrir ou d’être heureux, et qu’il n’y a pas de moyen terme :
    Choisissez-donc !