Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome II.djvu/241

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mœurs s’harmonisent. On est chez soi partout : l’été, dans les Hautes-Alpes d’Oberland et de Savoie, l’hiver à Naples et à Cadix, l’automne à Turin, le printemps je ne sais où. Quand on est indisposé, on court aux eaux ; quand on s’ennuie, 142 l’on saute dans le premier convoi qui passe, dans l’agile navire qui déploie ses voiles ; on se met en route pour Lisbonne, Constantinople ou New-Vork, sur un caprice.

Les voyageurs ne sont plus entassés comme aujourd’hui sur des ponts de bateaux, dans d’affreux wagons. Le train de plaisir devient une réalité. Personne n’est laissé en arrière, il y a toujours des places. On part à son heure, on s’arrête à son gré. Les convois sont fournis de toutes les commodités, de tout le luxe, de tous les divertissements désirables. On y danse, on y chante, on y fume, on s’y couche, on y lit les meilleurs livres, on s’y exerce à tous les jeux d’adresse. Il n’est pas de salons et de bals plus animés que ceux des chemins de fer et des paquebots. Beaucoup d’Anglais et d’Américains ne connaissent plus d’autre patrie, ce ne serait pas sans danger qu’on les en arracherait.

Les douanes sont rasées, les frontières labourées, les passeports mis en pièces. Dans les lieux où l’on séjourne, on rencontre des gens amenés par le même attrait que soi ; ceux-là dans les villes, ceux-ci dans les campagnes ; les uns au bord des fleuves, les autres au haut des monts. L’inégalité des conditions ne met plus d’obstacles