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VI

27 « Taisez-vous, me crie-t-on. Ce siècle est déjà plein de confessions de désespérance. Au milieu des mers grandes, sur les cimes des Alpes, tout le long des fleuves du Nord ont crié les Manfred et les Faust. Assez de chevelures ont été jetées dans les vents, assez de larmes sont répandues sur la nature, assez de blasphèmes s’élèvent contre Dieu !

» Suivez votre route, avalez vos sanglots, rongez votre frein ! Mais passez, passez vite, en silence, avec les ombres, sans effrayer ceux qui vivent heureux ! »

Taisez-vous et souffrez ! Ce vous est facile à dire, nobles petites dames aux nerfs de feu. Votre alezan favori n’a pas brisé ses rênes d’or, vous n’avez pas foulé votre pied blanc sur le pavé des rues, le soleil qui joue dans vos rideaux de soie ne fatigue pas trop vos beaux yeux, vous savez entretenir vos amants dans une pâleur distinguée. Donc, tout est pour le mieux ; donc, nous sommes souverainement mal appris, nous qui venons troubler vos fêtes ; donc, des mépris et des balles à qui voudrait du pain, à qui voudrait du droit !

Non pas pour vous que j’aime, car vous êtes mignonnes, mais pour l’égalité, je souhaiterais vous voir seulement une vexation légère : quelque pli de rose à votre sofa, cinq minutes d’at-