Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome III.djvu/199

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… Rien ne répond que le hibou, le vieil aveugle, qui crie du haut de la tour en ruines :

« La Mort est ma mère ! — Elle me jette la chair saignante qui recouvre les os ; et je me régale de la chair saignante. Et je chante les louanges de la Mort !

« Les rois sont mes frères ! — La Mort les préfère à moi parce que je suis gris et qu’ils sont couverts de manteaux d’hermine ; elle leur donne à dévorer des nations entières !

« Les rois sont mes frères ! — Et j’habite les hautes chambres de leurs palais, et je distrais leurs longues veillées par mes accents consolateurs !

« Les rois sont mes frères ! — Comme eux je me dérobe à la vue des hommes ; je fuis l’éclat du jour. J’aime, comme eux, dans les ténèbres, à l’heure du meurtre et des trahisons, quand les tissus crient sous le poignard !

» Les rois sont mes frères ! — Comme eux, je trouve mes petits plus beaux que le soleil. Et je leur enseigne à dormir le jour, à tourmenter la nuit !

« Les rois sont mes frères ! — La Mort est leur mère aussi, mère féroce qui, dans ses caprices, les dévore, eux comme moi, comme toutes les victimes dont nous chantons les funérailles. — Ineffables sont les joies de notre famille ! »

… L’Escorial, c’est le génie sombre, audacieux, indompté des fils de l’Ibérie ; c’est leur âme d’airain qui les poussa les premiers sur les mers loin-