Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome III.djvu/255

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

viendraient mourir contre le découragement et la désespérance. Car le milieu serait encore le même tandis que notre vue se serait allongée. Et de même que l’homme de mer échoue contre les écueils d’un lac, de même nous échouerions contre les petites misères de la vie.


« Homme ne t’absorbe pas en toi-même, ne t’isole pas trop du mouvement qui t’emporte à la mort : tu périrais, orgueilleux !

« L’arbre des climats chauds et des îles nouvelles, l’Illusion, ne porte qu’une fleur brillante. Laissez-la sur la branche-mère, au sein du sol natal, au soleil des printemps. Regardez-la sans la cueillir, ne veuillez pas la renfermer en votre cœur comme en un sanctuaire : elle dévorerait votre cœur !

« La fleur d’Illusion ressemble au pavot des champs, brillant de santé, de couleurs écarlates au dehors ; poussière, maladie noire au dedans. Et le brutal souffle du monde flétrit la fleur d’Illusion plus facilement que la rafale n’emporte les pétales du pavot rouge.

« Hélas, dans leur jeunesse, les hommes distinguent le pavot trompeur parmi les épis d’or du froment ; ils le cueillent, le portent à leurs lèvres fraîches et font passer leur haleine brûlante sur la fleur qui se déplisse… Et toute illusion disparaît alors. Et la robe de pourpre se balance dans les vents qui ricanent comme des démons accourus des enfers. Alors, entre nos mains, reste une tige