Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome III.djvu/371

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pleurerait à songer que tant d’ouvriers affrontent une mort certaine en préparant les vernis, les glaces, les meubles brillants, les cuirasses étincelantes qui font l’orgueil et la joie des riches de ce monde ! Et cependant les sociétés à l’œil éteint ne donnent pas une larme au gaspillage criminel de toutes ces existences !

L’Enfer est sur la Terre !


XI


Selon que nous avons eu plus ou moins de chance dans cette vie, suivant que nous prenons, pour en sortir, le chemin de la ruse ou celui de la force, deux hommes nous reçoivent à la porte : le fossoyeur ou le bourreau. Ces deux damnés occupent le dernier cercle des enfers terrestres.

L’Enfer est sur la Terre !

Ils sont renfermés dans une étroite fosse dont les parois sont de squelettes pressés, dont le fond et le couvercle sont de couperets affilés à neuf. Devant eux le Diable dépose leur nourriture et leur breuvage ordinaire : des chairs vertes, sanieuses, et du sang dans un crâne fraîchement détronqué.

Le fossoyeur est las de viande, et le bourreau de sang. — Laisse-moi boire, dit le premier, je suis repu, j’étouffe. — Laisse-moi manger, dit le second, je suis ivre, je suis à jeun. — Et l’un et