Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome III.djvu/62

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tout ce qui fleurit, tout ce qui peut aimer sur la terre souriante ! Garçons au teint bruni, filles aux pieds cambrés, enfants aimés de leurs pères, adieu — Je ne veux pas envier, je ne veux pas maudire. Soyez heureux, soyez bénis ! Pour moi la mort est une nécessité suprême. Demain si je vivais, j’aurais faim, j’aurais honte : je haïrais…

« Adieu ! père adoré. Pardonne si je vais rejoindre la mère, la bonne mère qui est aux cieux. Pardonne si je laisse ta vieillesse sans appui. Mais je n’en peux davantage… Père, adieu !

« Adieu ! toi que j’aimais tant. Oh ! plus que la Madone sainte, plus que la mémoire de celle qui m’engendra, toi que j’aime jusque dans la Mort… Je te pardonne ! Je veux oublier que tu m’as refusé ton bras contre le monde et ton nom pour l’enfant de nos amours ; je veux oublier que tu m’as fait offrir un peu de ton argent pour tout mon honneur livré. — Gratuité d’outrage contre gratuité d’amour ! — Puisse ta conscience ne pas se souvenir plus que mon cœur ! Adieu toi, bien-aimé !

« Adieu ! le dernier, le meilleur, à toi la pauvrette, hirondelle à la gorge blanche. Loin sont nos jours de fête, ô ma sœur malheureuse ! — Que la nature était belle quand l’étoile des matins se levait sur sa couche d’azur, quand tu la saluais de tes chants ; quand elle t’éveillait, hirondelle, et que tu m’éveillais après ! Qu’elle était belle encore, le soir, quand le soleil couchant regardait pour la dernière fois nos vertes collines, et que tu revenais, chanteuse, en suivant sa traînée de feu !