Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/114

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serait-il pas, dans quelque mesure, responsable ?

C’est à Oxford, en 1804, que Quincey — il avait alors dix-neuf ans — commença à prendre la drogue maudite. Si on l’en croit, il en aurait pris par nécessité. Il éprouvait, nous dit-il, des névralgies faciales tellement violentes et tenaces que, sur le conseil d’un ami, il entra un jour chez un pharmacien, pour acheter du laudanum. Comme s’il eût absorbé un dictame magique, il se trouva, comme par une baguette de fée, transformé, transporté au septième ciel.

Son enthousiasme déborde en effluves de lyrisme : « … Ciel ! quel changement ! quelle révolution ! Comme mon esprit fut réveillé jusqu’en ses profondeurs ! Quelle apocalypse d’un monde entier se dévoila devant moi ! Ma souffrance avait disparu, mais c’était à mes yeux une vétille. Le résultat négatif était perdu dans l’immensité des effets positifs qui s’étaient réalisés devant moi, dans l’abîme de volupté divine qui m’était soudain révélée.

« C’était bien une panacée pour toutes les souffrances humaines. C’était le secret du bonheur, et le secret sur lequel les philosophes ont discuté pendant tant de siècles se dévoilait tout à coup. Désormais le bonheur s’achèterait un penny ; on le transporterait dans la poche de son habit ; des extases portatives pourraient être renfermées dans une bouteille d’une pinte et la