Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/130

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pour la politique et pour un métier manuel.

Ses désillusions commencent avec l’insuccès d’un journal politico-philosophique, sur lequel il avait fondé les plus grandes espérances. Son abattement se traduit dans une lettre intime qui est pour nous une révélation : à un clergyman de ses amis il écrit qu’il a été « comme suspendu sur le bord de la folie » ; sa situation a été telle, ajoute-t-il, qu’il a été « obligé de prendre du laudanum presque toutes les nuits ». L’aveu est formel, et paraît d’autant plus sincère qu’il l’a laissé échapper dans une de ces heures de confidence, où les plus secrètes de nos pensées s’épanchent, sans que nous ayons la force ou la volonté de les contenir.

Dès le début de ce funeste penchant, qui se développera par la suite, Coleridge semble y avoir goûté une âcre volupté. Il se vante de prendre vingt-cinq gouttes de laudanum toutes les cinq heures et d’en éprouver du bien-être, de la force (ease and spirits). Est-ce à titre de calmant, était-ce pour dissiper son anxiété, qu’il se mit à prendre la drogue malfaisante ? Il semble prouvé que pendant l’été de 1797, on avait conseillé au poète, pour rétablir sa santé, de se retirer dans une ferme isolée ; là lui fut ordonné le médicament dont il devait faire abus plus tard et ses effets furent assez singuliers pour qu’il ait cru devoir les noter.

Il resta, nous confesse-t-il environ trois heures