Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/273

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qu’il tient de son ascendance ; il n’a qu’une idée : partir, partir au loin :

« Que de choses étranges, attractives, entraînantes et vraiment merveilleuses dans ce seul mot russe, dorôga (la route, le voyage). Que de puissance dans le mot et que de charme dans la chose ! La vitesse, en voyage, c’est comme une poursuite, une puissance occulte qui vous a pris et vous transporte sur ses ailes ; vous traversez les airs, vous fuyez, tout fuit avec vous ; les poteaux indicateurs fuient ; les forêts aux sombres rangées de sapins et de pins fuient… La route tout entière fuit, se perd dans le lointain. Ô troïka, troïka ! Il ne faut pas demander qui t’a inventée ; tu ne peux avoir été conçue, tu ne pouvais naître et paraître qu’au sein d’un peuple vif et agile, sur un territoire géant, qui occupe la moitié du globe et où, en route, nul, sous peine de vertiges, ne s’amuse à compter les poteaux… »

C’est le voyage, le besoin du déplacement, qui entraîne Gogol à quitter sa patrie : les pays qu’il traverse ne l’intéressent que médiocrement. Il se rend tout d’abord en Suisse où il ne fait que passer. De Vevey, où il travaille pendant un mois aux Âmes mortes, il vient à Paris (novembre 1836). Après avoir gelé quelque temps dans des hôtels qui n’ont que des cheminées (il a toujours été très frileux), il s’installe dans un appartement pourvu