Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/292

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en éprouve ; il poursuit, toutefois, sa route, et ce n’est qu’en plein Atlantique qu’il réussit à se convaincre qu’il n’y a plus de retour possible avant d’avoir atteint le but du voyage.

Celui-ci dura plus de deux années. Une série de correspondances, de notes cursives nous ont conservé la relation détaillée de cet exode. Ces souvenirs, au dire de celui qui a pu les consulter, seraient écrits « d’une plume alerte, mais prolixe » ; ils ont, toutefois, un mérite qui a son prix : celui de nous dévoiler le tempérament d’homme et d’artiste de leur auteur.

« Nature robuste et, avec cela, indolente et apathique, tel apparaît Gontcharov au physique. Si vingt-quatre mois de traversée et trois mois de poste sur le tract sibérien n’ont pas entamé sa santé, ils n’ont pas non plus secoué sa paresse naturelle. Lui-même le sait et n’en fait pas mystère : c’est de toute évidence ma destinée que d’être indolent et de communiquer mon indolence à qui m’approche. Elle semble répandue dans l’air que je respire et les événements semblent s’arrêter au-dessus de ma tête[1]. »

Rien ne l’intéresse, rien ne l’attache de ce qu’il rencontre sur la route. Monuments, curiosités naturelles, choses ou gens passent devant ses yeux sans s’y réfléchir ; il s’en tient à une observation tout

  1. Thèse Mazon, pp. 105-6.