Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/314

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tout bas sans raison, je désirais la voir ; mais quand elle venait chez nous, je refusais ou j’avais honte d’entrer dans la chambre où elle était ; je craignais peut-être que les battements de mon cœur ou le tremblement de ma voix ne révélassent aux autres un secret impénétrable pour moi-même. Je ne sais qui elle était, d’où elle venait… Elle était blonde, elle avait des yeux bleus… Non, je n’ai rien vu de semblable, ou du moins j’éprouve cette impression, car je n’ai jamais aimé comme en ce temps-là. »

L’écho de ces mêmes sentiments se retrouve dans la pièce de Lermontov : Premier Amour ; « encore enfant, les souffrances d’un ardent amour troublèrent mon âme inquiète… ». Et quelques mois avant sa mort, il consignait cette impression, toujours vivace.

« Je me vois encore enfant : autour de moi, tout m’est familier, la haute maison seigneuriale, le jardin avec sa serre en ruines.

«  J’entre dans une sombre allée ; au travers des branches, filtrent les rayons du soleil couchant, et les feuilles jaunies bruissent sous mes pas craintifs.

« Et une étrange tristesse me serre le cœur : je pense à elle, je pleure et j’aime ; j’aime le fantôme créé par ma rêverie… »

Étant étudiant, il eut, non plus cette fois une passionnette, mais une véritable passion pour « une jeune fille douce, intelligente, et vraiment belle