Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/318

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rons dans toute l’œuvre de Lermontov : pourquoi serions-nous étonnés de constater, à l’aube de la vie du poète, les sentiments dont se nourrit sa maturité ».

Pour qui a étudié le personnage, tant dans sa vie que dans son œuvre, la tristesse de Lermontov n’était pas qu’une pose, elle avait ses racines dans le milieu où il avait vécu ses premières années, et dans son tempérament même. Son cas n’est nullement à rapprocher de celui du héros du roman en vers de Pouchkine. Eugène Oniéguine est le type littéraire d’un ennuyé des plaisirs, une sorte de don Juan et de Child Harold. Comme ce dernier, Oniéguine paraît dans le monde triste et ennuyé ; les murmures de la foule, le jeu, les tendres regards, les soupirs indiscrets ne l’émeuvent plus ; il reste indifférent à tout… En proie au désœuvrement, l’âme vide et languissante… il lit, il lit sans cesse… Les bois, la colline et les champs ne l’amusaient déjà plus, et il vit clairement que la vie était aussi ennuyeuse au village qu’à la ville, bien qu’il n’y eût ni rues, ni palais, ni cartes, ni bals, ni poésie. L’ennui le guettait et courait après lui comme une ombre ou comme une femme fidèle… Mais Oniéguine rencontre Tatiana et, dès lors, « un amour pur » l’enflamme et dissipe son ennui[1].

  1. Contribution à l’étude des perversions de l’instinct de