Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/344

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bien que son imagination en reste toujours préoccupée. C’est ainsi que, à une époque antérieure à celle que nous venons d’évoquer, dans la requête qu’il adressait à l’empereur Alexandre II, « l’ancien criminel politique », comme il signait sa missive, affirmait que sa maladie s’était manifestée durant sa première année de travaux forcés. « Mon infirmité, y disait-il, devient de plus en plus violente. Chaque accès me fait perdre la mémoire, l’imagination, les forces spirituelles et corporelles. L’issue de mon malaise, c’est l’épuisement, la mort ou la folie. »

Dostoïevsky n’exagère pas : il y eut, paraît-il[1], véritablement dans sa vie des moments où sa maladie menaça de lui faire perdre toutes ses facultés mentales.

Cette maladie, nous en trouvons les plus lointaines manifestations dans sa correspondance à partir seulement de 1846. Deux ans auparavant, il avait abandonné la carrière d’ingénieur (que son père lui avait fait embrasser) à la suite de son premier roman, les Pauvres Gens. C’est vers cette époque qu’il fut pris de crises nerveuses mal définies, et qu’il tomba en une sorte de léthargie, qui lui fit appréhender d’être enterré vif. Il prévint ses

  1. Cf. Merejkowsky, op. cit., 96.