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la nuit, il en subit une des plus violentes qu’il eût encore éprouvées[1].



IVAN TOURGUÉNIEV
par Hédouin (1868)
(Bibliothèque Nationale — Estampes)

Un de ceux qui étaient parvenus à gagner sa confiance fut, par hasard, témoin d’un de ces accès, de force moyenne, qu’il a relaté en termes saisissants.

« C’était en 1863, la veille même de Pâques, raconte Strakhoff. Assez tard, à onze heures du soir, il (Dostoïevsky) entra chez moi, et une conversation très animée s’engagea entre nous. Je ne puis me souvenir du sujet, mais je sais qu’il s’agissait d’une question générale très importante. Dostoïevsky était particulièrement excité ; il allait et venait par la chambre, pendant que j’étais assis à la table. Il disait des choses élevées et consolantes, et lorsque je soutenais une opinion par une remarque quelconque, il tournait vers moi un visage inspiré, où se lisait toute l’exaltation du génie. Tout à coup, il s’arrêta un instant, comme pour chercher un mot, et il ouvrait déjà la bouche pour parler. Je le regardais avec une vive attention, sentant qu’il allait dire quelque chose d’extraordinaire, que j’entendrais une révélation. Mais alors sortit de sa bouche un son étrange, prolongé, sauvage, et il tomba sans connaissance sur le parquet, au milieu de la chambre. »

  1. Cf. Souvenirs de Sophie Kovalewsky, 139-140.