Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/42

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constances dans lesquelles cette conversion s’était opérée.

« Oui, explique-t-il, je suis retourné à Dieu, comme l’enfant prodigue, après avoir longtemps gardé les porcs chez les Hégéliens. Est-ce le malheur qui m’a fait revenir ? Peut-être une moins pauvre raison. Je fus atteint d’une nostalgie céleste, qui me poussa, à travers les forêts et les ravins, sur les sentiers vertigineux de la dialectique. Or, quand on désire posséder un Dieu qui puisse vous venir en aide, et c’est là l’important, il faut admettre aussi sa personnalité et ses attributs divins, tels que la toute-bonté, la toute-science, la toute-justice, etc., etc. Alors l’immortalité de l’âme nous est donnée par-dessus le marché, comme l’os médullaire que le boucher glisse gratuitement dans la corbeille d’un client dont il est satisfait ; on appelle cela, en français, la réjouissance, et l’on en fait d’excellents consommés qui sont très fortifiants pour le malade ; aussi, me garderai-je de la refuser. »

Sous cette apparence d’ironie, Heine était préoccupé, beaucoup plus qu’il ne le voulait paraître, du problème de l’au-delà et comme un jour son ami Laube lui demandait : « Enfin, que penses-tu de l’autre vie ? » il répondit, après quelques minutes de silence : « Demande-moi ce que deviendra cette bûche dans la cheminée ; la flamme la dévore. Contentons-nous d’en recevoir la chaleur, en atten-